Le syndrome de l’imposteur

« Ils vont me démasquer ! »

« Je ne suis pas la personne qu’ils s’imaginent que je suis ! »

« Je ne mérite pas tout ce bonheur »

« J’ai juste eu de la chance »


Voici résumées en quelques lignes les pensées qui peuvent hanter les victimes du syndrome de l’imposteur… Certains d’entre nous l’ont expérimenté une ou deux fois, mais d’autres le vivent quotidiennement.

Vous constatez que ces pensées renvoient à des situations très différentes ! En effet, il existe plusieurs cas de figure concernant cette manifestation. Réunies sous un même vocable par les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Imes en 1978, elles ont fait couler beaucoup d’encre depuis et fait l’objet d’un test que vous pourrez vous procurer à la fin de cet article.

De prime abord, je n’aurais classé que les deux premières dans la catégorie « syndrome de l’imposteur » … Mais mon expérience clinique m’a prouvée qu’elles ont des racines communes. Je vous propose d’aller explorer cela d’un peu plus près. Et même si un article ne remplace pas un ouvrage complet, vous allez pouvoir vous faire une idée de ce que recouvre le syndrome de l’imposteur.


« Ils vont me démasquer »

La boule au ventre, les jambes en coton, les mains moites, le front humide de sueur… Vous vous apprêtez à rentrer en réunion. Et vous vous dites : on va me demander des comptes sur mon activité ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir répondre ? Je vais être démasqué dès les premières minutes…

Le fait est que vous avez travaillé toute la semaine d’arrache-pied mais, subitement, à réception du mail vous invitant à une réunion de service, vous avez oublié vos réalisations des jours précédents. Vous êtes soudainement envahi par un brouillard mental. Vous vous sentez perdu.

L’alternative à cette scène est que vous n’avez rien fait de la semaine parce que vous avez tendance à procrastiner (après des périodes d’intense activité). Une sorte de blocage insurmontable vous empêche d’agir et la réunion va prouver aux yeux de tous que vous êtes un incapable !

Explication possible :

Certains d’entre nous n’ont pas pu développer cette capacité à choisir ce qui nous convient et avons pris l’habitude, dès l’enfance, de laisser les autres (parents puis amis, conjoint, employeur, etc…) choisir pour nous. Ceci a pour conséquence que nous nous connaissons peu et sommes fragilisés par cette méconnaissance. Ainsi, nous pouvons nous retrouver dans une voie professionnelle ou une situation issue du choix des autres. Dans ce cas, le sentiment d’imposture vient du fait que nous avons peur que les autres s’aperçoivent de cette fragilité, du fait que nous luttons pour combler l’écart entre l’assurance que nous percevons chez les autres et notre propre « vide ». Au fond de nous, nous savons bien que nous ne sommes pas à notre place. Fragilisés aussi par notre manque d’habitude de nous fier à nous-même, à nos ressentis, nos pensées, nos impressions, nous éprouvons des difficultés à réagir et à agir. D’où l’angoisse qui nous envahit dans les situations où l’on risque d’être évalués, notamment. Comme nous sommes habitués à agir en fonction du désir de l’autre, nous nous sentons coupable d’exister, voire ingrat envers ceux qui nous ont dicté nos choix…

Dans ce cas, nous sommes plutôt paralysés par la peur de réussir que la peur de l’échec car réussir signifie sortir de la matrice parentale, celle dans laquelle nous avons été maintenus par notre entourage qui a fait nos choix à notre place.


« Je ne suis pas la personne qu’ils s’imaginent que je suis »

Vous êtes au milieu de vos amis, en soirée, ou au restaurant et la conversation roule sur un sujet sur lequel vous n’êtes pas très sûr de vous. Il peut s’agir d’un élément de votre vie professionnelle ou personnelle. Chacun donne son avis, la conversation est animée et vous vous en retirez petit à petit, vous commencez à vous effondrer intérieurement tout en essayant de donner le change. Une seule idée vous hante : ne rien dire sinon ils vont savoir à quel point je suis incompétent(e) / monstrueus(e). Vous avez peur de vous trahir, vous êtes persuadés que s’ils vous regardent, ils vont comprendre qui vous êtes vraiment, voir à travers vous et vous rejeter. Plus vous vous retirez de la discussion, plus vous vous sentez en décalage avec le groupe et plus vous risquez cet effondrement intérieur car vous vous isolez dans une culpabilité imaginaire et vous êtes coupé de la réalité.

Explication possible :

La culpabilité ! Certains ont parfois l’impression d’être coupable de quelque chose qu’ils n’identifient pas, d’avoir commis un crime, d’être un monstre que personne ne soupçonne. Dans ce cas nous marchons sur des œufs en permanence. À tout moment, quelqu’un peut s’en apercevoir. Nous compensons l’image que nous croyons donner de nous aux autres, en contrôlant ce qui émane de nous, en nous surveillant en permanence pour ne pas révéler quoi que ce soit de notre faute supposée. Les raisons possibles de cette culpabilité feront l’objet d’un article à venir sur ce blog !


« Je ne mérite pas tout ce bonheur »

Vous espérez une promotion, séduire quelqu’un qui vous plaît beaucoup, un succès professionnel et… voilà que cette situation dont vous avez rêvé se produit ! Mais là, surprise ! Vous ne savez pas quoi en faire. Vous êtes soudain encombré de ce que vous aviez espéré depuis si longtemps au point que cela vous fait l’effet d’une patate chaude. Il vous faut vous en débarrasser à tout prix.

L’idée qui vous obsède est que vous ne méritez pas tout ce qui vous arrive. C’est impossible, cela doit être pour quelqu’un d’autre que vous. « On » s’est trompé, ça ne va pas durer. Alors, immanquablement, vous faites ce qu’il faut pour que cela ne dure pas. Inconsciemment bien sûr. Et lorsque cela se produit, vous vous dites : mais oui ! Je le savais bien ! Ce n’était pas pour moi.

Explication possible :

Il arrive que nous ayons été élevés dans un environnement où nous avons été dévalorisés sur certains plans, et ce quelle que soit notre origine sociale. Nous l’avons associé à une marque d’amour/à la possibilité du lien avec notre entourage parce que les deux étaient vécus simultanément : la personne qui me soigne quand je suis malade me traite aussi d’incapable quand je tente de réaliser une tâche quelle qu’elle soit ou que je fais mes devoirs. Alors, nous en prenons l’habitude et lorsque de belles choses nous arrivent, nous ne savons pas nous vivre autrement que dans l’échec (même si nous faisons tout pour réussir), donc il ne peut pas s’agir de notre succès ! Nous nous disons que si l’on nous a dévalorisés, c’est certainement notre faute ! Donc, non, je ne mérite pas ce bonheur ! La difficulté à lâcher cette idée récurrente est liée au fait que nous croyons que ne pouvons exister, être heureux autrement… En vertu de l’amalgame que nous avons fait enfant entre amour et maltraitance.

Nous avons été élevés comme si nous étions au service de l’autre. Et pour nous y maintenir, nous avons été instrumentalisés, dévalorisés. Notre réussite signifie que nous sommes sortis de ce rôle et nous perdons nos repères. Pour les maintenir – même s’ils nous font souffrir – nous repoussons notre réussite en ne nous en attribuant pas le mérite. Ce processus n’est pas conscient et relève d’une forme de pensée magique. En effet, nous dire que nous ne méritons pas le bonheur ne nous en retire pas la paternité : nous sommes bien à l’origine de ce qui nous arrive !


« J’ai juste eu de la chance »

Vous allez de succès en succès, tout vous réussit. Votre entourage vous le fait remarquer. Mais vous minimisez votre réussite. Vous affirmez que ce n’est qu’une question de chance, que votre habileté et votre intelligence n’ont rien à voir à l’affaire. Vous iriez même jusqu’à vouloir cacher votre bonne fortune et continuer à vivre comme si de rien n’était…

Explication possible :

Il y en a plusieurs. Tout comme dans le cas précédent, nous avons pu vivre une dévalorisation durant notre phase de construction psychique (enfance et adolescence) soit ponctuelle, soit répétée, et nous vivons comme si nous ne méritions pas le bonheur. Cela va parfois jusqu’à une véritable dissociation au niveau émotionnel. Ainsi, soit nous ne nous rendons pas compte de ce qui nous arrive et n’en profitons pas, soit nous nous disons : « ça ne peut pas être moi qui ait fait ça. C’est l’œuvre de quelqu’un d’autre ». Il peut également arriver à certains d’entre nous de vouloir se dissocier de leur réussite en anticipant l’échec pour éviter de vivre une déception… La peur de l’échec en tant qu’émotion très désagréable joue à ce moment-là mais pas au point d’inhiber l’action. Il arrive également que la peur de susciter des manifestations d’envie, de jalousie de la part des autres nous poussent à minimiser nos succès. Dans ce cas, il s’agit de bien cibler les personnes auxquelles nous parlons de nos succès, de n’en parler qu’à des personnes bienveillantes pour éviter de vivre sur un strapontin toute notre vie ! Parfois, il peut s’agir aussi d’une manifestation de fausse modestie pour attirer les compliments. Mais, poussée à l’extrême, cela peut être la manifestation d’un masochisme qui se traduit par une plainte quasi permanente au sujet de nos capacités défaillantes, sans aucun fondement dans la réalité. En dernier lieu, j’évoquerai le cas des surdoués qui, par manque d’assurance et de peur que leur différence se voit, font preuve d’une véritable et sincère modestie.


Les réactions physiques et psychologiques liés au syndrome de l’imposteur peuvent être handicapantes. Nous pouvons les ressentir à des degrés divers et séparément ou ensemble :

  • Anxiété,
  • Dépression,
  • Peur de l’éviction, du rejet du groupe,
  • Image négative de soi,
  • Boule au ventre,
  • Mains moites,
  • Transpiration excessive

Que dit le syndrome de l’imposteur de vous ?

  • Que vous avez peur d’être « découvert »
  • Que vous avez peur du rejet
  • Que vous avez peur de réussir
  • Que vous avez peur d’échouer

Que se passe-t-il au niveau psychique ?

Vous connaissez sans doute les trois instances psychiques décrites par S. Freud : le « ça », le « moi » et le « surmoi ». Le « ça » est constitué de votre énergie pulsionnelle, à savoir la part de vous qui veut manger des bonbons à tous les repas, dormir la journée, chanter à tue-tête en réunion, etc., le « moi » est constitué de votre mémoire des évènements et des émotions qui leur sont associées, c’est la conscience de vous-même, et le « surmoi » est l’instance qui régit votre comportement, censure vos désirs pour les rendre compatibles à la vie en société. Il est constitué d’un corpus de règles intégrées durant l’éducation de l’individu et devient plus ou moins rigide selon l’éducation reçue et les évènements vécus. Ainsi, le « moi » est souvent placé en situation d’arbitre entre un « ça » qui veut n’en faire qu’à sa tête et un « surmoi » qui peut être inflexible.

Imaginez-vous que ces trois-là ne s’entendent pas… Il ne peut y avoir d’harmonie intérieure sans un équilibre de ces instances.

Dans tous les cas énoncés plus haut, le « surmoi » est trop fort et dévalorisant voire humiliant envers le « moi » parce qu’il a intégré, pour une raison ou une autre que nous n’avions pas de valeur suffisante pour vivre heureux. Ainsi, nous nous privons de ce qui pourrait nous y aider. Le « moi » s’adapte au carcan qui lui est alors imposé et supporte d’être rabaissé en permanence par le « surmoi ». A la longue, il ne le supporte plus. Mais il croit que s’il se rebelle, il va être rejeté par le monde qui l’entoure. C’est ce que lui laisse entendre le « surmoi ». Alors, l’écart se creuse. Le « moi » ne peut plus s’exprimer, ses envies portées par le « ça » sont reléguées à la cave, et il ne peut plus se projeter dans l’avenir. Il vit dans le monde d’un « surmoi » dictatorial où il ne se retrouve pas. Le « surmoi » est confondu avec l’entourage et l’individu a peur d’être découvert, ou n’assume pas ce qu’il est vraiment. Comme il ne peut se réaliser en harmonie avec le monde qui l’entoure, il commence à déprimer et devient anxieux à chaque confrontation avec le monde extérieur. Ainsi, nous pouvons être amenés à développer des stratégies d’évitement.


Pour conclure, si l’on se fie à la définition classique du syndrome de l’imposteur, nous retrouverons : peur de réussir, peur d’échouer, manque de confiance en soi… Or, pour chacun d’entre nous, ces difficultés ont une origine différente et s’expriment dans des situations différentes. Les réponses sont également variées.

Néanmoins, il s’agit de donner un nom à ce qui nous fait souffrir et lors d’une première étape, le test de Pauline Clance peut vous y aider. Nous l’avons traduit et vous le proposons ci-dessous :

ÊTES-VOUS ATTEINT DU SYNDROME DE L’IMPOSTEUR ?

Pour chaque question, indiquez à quel point elle vous semble vraie, en cochant le numéro qui correspond à votre perception. Cochez la 1ère réponse qui vous vient à l’esprit. N’hésitez pas, même si les différentes possibilités vous paraissent proches.

1. J’ai souvent réussi des tests ou des tâches alors que je m’en pensais au départ incapable.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

2. Je peux donner l’impression que je suis plus compétent que je ne le suis réellement.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

3. J’évite les évaluations, si possible et je crains les évaluations des autres à mon égard.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

4. Quand quelqu’un fait l’éloge de ce que j’ai accompli, j’ai peur de ne pas être à la hauteur de ses espérances futures.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

5. Je pense parfois que j’ai obtenu ma position actuelle parce que j’étais là au bon endroit au bon moment ou que je connaissais les bonnes personnes

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

6. J’ai peur que les personnes importantes à mes yeux découvrent que je ne suis pas aussi compétent qu’ils le pensent.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

7. J’ai tendance à me remémorer les projets pour lesquels je n’ai pas donné le meilleur de moi-même plutôt que ceux pour lesquels je l’ai fait.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

8. Je réalise rarement un projet ou une tâche aussi bien que je souhaiterais le faire.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

9. Parfois, j’ai le sentiment que mon succès personnel ou professionnel est dû à une coïncidence ou une erreur.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

10. Il m’est difficile d’accepter les compliments ou les louanges qui portent sur mon intelligence ou mes réalisations.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

11. Parfois, j’attribue ma réussite à de la chance.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

12. Je suis parfois déçu de mes réalisations et pense que j’aurais pu faire beaucoup mieux.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

13. Parfois, je redoute que les autres découvrent mes lacunes.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

14. J’ai souvent peur d’échouer dans une nouvelle tâche qui m’est confiée même si je réussis généralement ce que j’entreprends.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

15. Lorsque je réussis quelque chose et en reçois de la reconnaissance, je doute de ma capacité à réitérer ce succès.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

16. Si je suis félicité et reconnu pour quelque chose que j’ai accompli, j’ai tendance à en minimiser l’importance.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

17. Je compare souvent mes capacités à celles des personnes qui m’entourent et pense qu’ils sont probablement plus intelligents que moi.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

18. Je m’inquiète souvent de ne pas réussir dans un projet ou un examen alors même que tout le monde à confiance en ma capacité à le faire.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

19. Lorsque je m’apprête à recevoir une promotion ou à être reconnu pour mes actions, j’hésite à en parler autour de moi avant que cela soit avéré.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

20. Je me sens découragé si je ne suis pas « le meilleur » ou au moins « à part » dans les situations qui impliquent le fait de réussir.

1) Faux  2) Rarement  3)   Parfois    4) Souvent   5) Tout à fait vrai

RESULTATS

Additionnez les chiffres associés à vos réponses.
Si le score est inférieur ou égal à 40, vous n’avez que quelques caractéristiques de l’imposteur.
Si le score se situe entre 41 et 60, vous ressentez modérément le syndrome de l’imposteur.
Si le score est se situe entre 61 et 80, vous avez souvent le sentiment d’être un imposteur.

Au-delà d’un score de 80, vous ressentez souvent et de manière intense le syndrome de l’imposteur.

Plus votre score est élevé, plus vous le syndrome de l’imposteur régit votre vie, tant en fréquence qu’en intensité.

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